Au cœur des 24h du Samouraï : entre amis et persévérance – Édition 2025

À 10h, je retrouvais Anna Wils, camarade de mon dojo d’aïkido Kishinkaï Paris, à la gare Saint-Lazare. Direction : le dojo régional d’Herblay-sur-Seine. En cette année 2025, c’était déjà la 4ᵉ édition des 24h du Samouraï, un événement unique réunissant dix courants d’arts martiaux. Chaque enseignant y présente sa discipline pendant deux heures, réparties sur une journée entière… avec quelques pauses et collations, heureusement.

Dès notre arrivée dans ce grand dojo de 1 000 m², nous fûmes accueillis chaleureusement par des bénévoles venus d’Herblay, Brest et Paris. On nous remit un petit sac : une banane, de l’eau, une canette de Coca. Beaucoup de ces bénévoles étaient d’anciens participants qui avaient eux-mêmes tenu 24 heures sur le tatami. Moi aussi, j’avais relevé ce défi lors d’une édition précédente. Cette fois, l’enjeu était différent : plus qu’un test physique, c’était l’occasion de retrouver des amis de tous horizons. Car, au-delà de la technique, ce sont les liens humains tissés dans l’effort qui font toute la richesse de cet événement.

Ce jour-là, de nombreux visages m’étaient inconnus, mais quel plaisir de retrouver ceux que je connaissais. En dehors des réseaux sociaux, notre dernière véritable rencontre remontait à l’édition précédente.

En moins de trois minutes, j’étais en tenue. Je rejoignis le tatami aux côtés de mes amis venus de La Réunion, dont Emmanuel Ledoyen, l’organisateur de l’événement. Les professeurs se rassemblaient, les pratiquants se concentraient. Puis, les taikos, les tambours japonais, résonnèrent : l’événement commençait.

Steve Schmitt ouvrit la journée avec une séance de Krav Maga. Mesurant environ 1m65, une cinquantaine d’années, il introduisit les principes de la self-défense : l’importance du temps de réaction, et l’éventualité d’agir en premier si aucune autre solution n’est possible. Bien que souvent caricaturé comme un art brutal, le Krav Maga repose avant tout sur des principes de pragmatisme et de survie.

Puis vint Lionel Froidure, expert en karaté. Il me confia avant son cours que toute sa famille était dans cette discipline, et même sa mère avait continué à pratiquer durant sa grossesse. Il nous rappela que si l’apprentissage technique est accessible, sa mise en œuvre dans le respect du timing et de la distance est un chemin sans fin. Une de ses phrases m’est restée en tête :

« Il n’est pas nécessaire de devenir ceinture noire. Un pratiquant peut maîtriser 90 % des individus bien avant ce niveau. Mais les 10 % restants, ce sont eux qui rendent le chemin intéressant. »

Après six heures de pratique, ce fut au tour de Simon Pujol, fondateur du RenShinKan Ju Jutsu, de diriger la séance. Premier exercice : relâcher les jambes pour entrer dans la garde du partenaire. Un vrai défi, alors que la fatigue s’installait. Nous avons ensuite travaillé des amenées au sol en contact rapproché. Mon binôme : Natasha Saillard, pratiquante du RenShinKan. Malgré une blessure à la cheville, elle pratiquait avec une intensité et une détermination qui forçaient l’admiration. Une vraie leçon d’engagement.

Puis vint Éric Le Cam, élève de Lee Eun Jong, avec une séance d’Hapkimudo, un art mêlant Hapkido et Kyeoktoogi(kickboxing coréen). Le style était direct, rigoureux, presque militaire. Entre cris, percussions et déplacements explosifs, ce fut un moment intense.

Après une deuxième douche rapide, retour sur le tatami pour une session de Jujutsu brésilien, dirigée par Lucas Ramos, professeur parisien d’origine brésilienne. Il partagea avec fierté cet art issu de son pays. Nous avons travaillé les transitions debout-sol, dont le célèbre double leg takedown et des clés de bras. Mon partenaire mesurait 1m90 pour 110kg, tatoué, impressionnant. J’appréhendais. Pourtant, sa bienveillance me permit d’appliquer les techniques avec confiance. Un moment marquant.

À minuit, ce fut au tour de mon professeur, Issei Tamaki, expert en aïkido, de prendre la parole. Il nous rappela les liens profonds entre le sabre (ken) et les techniques d’aïkido, issues du iai (dégainage). Un exercice fort : guider un partenaire les yeux fermés. Dans ce silence, j’ai ressenti l’écoute profonde, la confiance et l’ouverture du cœur de chacun. C’était un moment de pure harmonie.

À 2h du matin, Benjamin Boehli, jeune maître de Taekwondo, entra en scène. Nous avons enchaîné des coups de pied malgré la fatigue. Les jambes lourdes, les corps tendus, mais l’énergie collective nous poussait à continuer.

Après 16 heures, place au Nanbudo avec Fabienne et Gabriel David. Mon corps me lançait : mâchoires serrées, hanches douloureuses. Heureusement, les masseurs shiatsu, comme Olivier Vaillant, Pierre Adrien et Piotr, étaient là. Grâce à eux, beaucoup d’entre nous ont pu continuer. Ces soignants de l’ombre ont été essentiels.

Épuisé, je m’endormis cinq heures, manquant le Nanbudo, l’Arnis et une partie du Yoseikan Budo… Mais je me réveillai juste à temps pour pratiquer quelques techniques avec Tanguy Le Vourc’h, sous la direction de Mitchi Mochizuki, fils du fondateur du Yoseikan.

À 13h, les tambours retentirent une dernière fois : la fin des 24h du Samouraï. Soixante-douze pratiquants avaient tenu sans interruption. Une performance remarquable.

Mais au-delà des chiffres, cette édition n’aurait pu exister sans Emmanuel Ledoyen, les enseignants, les bénévoles, les masseurs, les musiciens, les photographes, les vidéastes, et tous les pratiquants venus de toute la France. La véritable beauté de cet événement ne réside pas dans la seule maîtrise des techniques martiales, mais dans la fraternité, la passion et le respect mutuel qui unissent ces hommes et ces femmes.

Merci pour ces 24h de cœur, de fatigue… et d’amitié.